La neige tombait doucement recouvrant la chaussée et les toitures d'une épaisse couche blanche. Des illuminations étaient accrochées ça et là sur les façades. Une bonne odeur de vin chaud flottait dans l'air glacée de ce mois de décembre.
Ah, et une dizaine de cadeaux de Noël étaient en train de me poursuivre.
Je ne saurais pas trop vous expliquer comment toute cette histoire a vraiment commencée. En fait ce n'est pas vraiment que je ne m'en souviens plus, mais plutôt que le début de cette course-poursuite ridicule était tout sauf mémorable. Il y a quelques minutes - trente minutes tout au plus - au détour d'une rue j'étais tombé nez à nez avec une bande de cadeaux de Noël se déplaçant en lévitant légèrement au dessus du sol, et munis d'une bouche remplie de dents aiguisées et partant dans tous les sens.
Il n'y avait aucune explication. Rien. Pourquoi des cadeaux me poursuivaient-ils depuis une demi-heure ? Et comment des cadeaux pouvaient ils me poursuivre ? Je n'en avais aucune idée. Je n'en ai toujours aucune idée à vrai dire.
Mais voilà, vous savez tout à présent. Voilà comment je me retrouvais pourchassé par une dizaine de cadeaux plus agressifs que la normal, en plein milieu de ruelles désertes et enneigées alors que j'étais normalement sur le chemin pour rentrer chez moi.
La neige sur le sol était un sacré handicap pour moi.
Contrairement aux cadeaux qui semblaient glisser légèrement au dessus du sol, en tant qu'être humain j'étais forcé de courir tout en étant entravé par les dix centimètres de neige recouvrant le sol à ce moment là. Au moins il serait facile de retrouver mon corps en suivant mes traces dans la neige me surpris-je à penser avant de tourner au coin de la rue.
C'était une rue parfaitement déserte. Encore. Pas vraiment une surprise à vrai dire, je connaissais la ville comme ma poche et savait très bien que dans le coin, surtout à une heure aussi tardive et avec la météo actuelle, les rues seraient sûrement désertes. Mais mon but était de me rendre au marché de Noël sur la place principale, quelques pâtés de maison plus loin. L'odeur de vin chaud me rappelait sans cesse que j'approchais de plus en plus, et que mon calvaire approchait donc de sa fin.
Enfin c'est ce que j'espérais...
Non c'était sûr. Aucun cadeau, aussi vivant soit-il, serait assez bête pour suivre un homme sur un marché de Noël pour le tuer. Même à 22h la place était sûre d'être bondée, des centaines de témoins, des centaines de personnes pouvant aider... Une fois arrivée là bas tout serait fini et je pourrais enfin me relaxer et oublier cette absurde course-poursuite... Plus que quelques mètres et je pourrais enfin rejoindre un endroit s...
Une douleur lancinante traversa ma jambe droite. J'avais été trop bête à me perdre dans mes pensées : je n'avais même pas remarqué que les cadeaux avaient gagnés du terrain. La douleur était intense. Tellement intense en fait que je m'étala dans la neige de tout mon long en hurlant de douleur. La neige contre mon visage était froide, froide comme la mort. Ce n'était pas un bon présage, je ne voulais pas que cette sensation devienne une réalité : je devais m'enfuir, m'enfuir loin de ces cadeaux tueurs. Mais dans un même temps le contact avec le sol froid me donnait envie de fermer les yeux, définitivement, d'abandonner. J'avais couru pendant une demi-heure, cherchant à tout prix à atteindre le marché de Noël, m'accrochant désespéramment à l'idée que l'atteindre me sauverait.
J'étais fatigué. J'en avais marre.
Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait. Je ne voulais même plus comprendre.
Tout ce que je voulais c'était dormir. Tout ce que je voulais c'était...
Mes deux mains s'enfoncèrent dans la neige, aplatissant les flocons ayant le malheur de se trouver dessous dans le processus. Poussant lourdement sur mes mains je releva difficilement le haut de mon corps, décollant ma tête de la neige.
Tout ceci ne s'était déroulé qu'en quelques secondes. Quelques longues secondes durant lesquelles j'avais débattu longuement avec moi-même sur la conduite à prendre. J'avais toutes les raisons du monde d'abandonner cette course, de me laisser faire, d'accepter mon sort... Mais, appelez ça l'instinct de survie tenace si vous le souhaitez, mais mon corps puis mon cerveau avaient visiblement décidé de prendre une toute autre décision et je me relevais à présent difficilement, prêt à continuer à m'enfuir vers un endroit de sûreté illusoire mais qui était la seule chose qui me permettait de tenir mentalement.
La neige brûlait mes mains, même à travers mes gants, et ma jambe semblait au contraire être en feu tant la blessure était douloureuse. Mais je continuais de pousser sur mes bras, puis sur mes genoux. Je me mordais l'intérieur de la joue pour résister à la douleur.
La neige autour de moi avait pris une couleur rougeâtre.
Ce n'était pas rassurant. Je n'avais pas vu la blessure que je pouvais avoir à la jambe, et je n'avais pas vraiment le temps d'y jeter un coup d’œil avec tout ces cadeaux à mes trousses, mais cette quantité de sang qui m'entourait ne présageait rien de bon. Je devais courir rapidement loin de là c'était tout ce que j'avais à l'esprit, le reste attendrait.
Encore faudrait-il que je puisse courir me surpris-je à penser.
Puis une autre pensée me traversa le cerveau. Plus brillante, plus intéressante aussi. Mais plus pessimiste encore : si un cadeau m'avait mordu, cela voulait dire qu'ils étaient déjà à ma hauteur... donc que...
En effet. Lorsque je pu enfin me redresser complètement je me retrouva nez à nez avec des cadeaux de Noël, toutes dents dehors, me regardant - du moins du mieux qu'ils le pouvaient sans avoir véritablement de yeux a priori. Un rapide geste de tête empli de panique plus tard et je pu constater que j'étais véritablement cerné. Les cadeaux de Noël s'étaient positionnés en cercle autour de moi, flottant sur place, me fixant de leurs non-regard qui me faisait froid dans le dos. A moins que ce ne soit du à la neige qui tombait de plus en plus fort et qui avait profité de ma petite période d'immobilisation pour se poser lourdement sur moi et mes vêtements.
Les cadeaux de Noël s'approchèrent de moi en chœur, resserrant le cercle déjà étroit qu'ils avaient formés. Mon esprit s'activait, les idées fusaient. Peut-être qu'en sautant je pouvais espérer passer par dessus le cadeau qui se trouvait devant moi et ainsi continuer ma fuite... Mais j'avais peur que ma blessure a la jambe ne m'empêche de mettre en œuvre ce plan. Et puis sauter au dessus d'un cadeau était le meilleur moyen de me mettre à portée de ses dents, et donc de risquer une nouvelle blessure... ce qui me mettrait alors dans une situation encore plus désavantageuse qu'actuellement.
Je devais trouver une autre idée. Une idée brillante qui pourrait...
Un lourd coup porté sur la tête. Mon cerveau s'arrêta brusquement, laissant les plans qui flottaient en l'air s'écraser lourdement sur le plancher devenu sombre de ce qu'il me restait de conscience. Puis tout devient noir. La dernière chose que mes yeux virent fut le sol couvert de neige se rapprocher de plus en plus rapidement de mon visage.
La dernière chose que mon visage senti fut cette même neige contre la peau de ma joue.
Puis ce fut le néant.
*
**
L'odeur de chocolat chaud et de dinde me tira de mon sommeil.
Cette odeur ne pouvait pas se tromper : on était le jour de Noël.
Le contact froid avec la neige avait été remplacé par la douceur chaude d'une pièce qui, si je pouvais ouvrir les yeux, aurait sans doute possédé une belle cheminée en pierre réchauffant les cœurs tout comme l'atmosphère. Le parquet je me trouvais à présent était tiède et rassurant après toute cette neige et ce bitume sur lequel j'avais du courir...
Tout cela n'avait été qu'un rêve. Un stupide rêve.
Mes yeux s’entrouvrirent peu à peu, encore endoloris. Au début je fut aveuglé par la lumière diffusée par les grandes baies vitrées du salon, reflétée par la neige d'une blancheur immaculée qui recouvrait le jardin, puis mon regard s'habitua.
Le salon était confortable et coquet. Un grand canapé vert prenait la moitié de la surface totale et était posé face à une grande télé. Une table se trouvait non loin de là, une nappe blanche la recouvrant. Des plats de fête étaient déposés dessus.
A quelques centimètres de moi était déposé un cadeau emballé dans du papier vert.
Un cadeau avec des dents.
Un cadeau qui me fixait.
Tout cela était bien réel. J'essayais de pousser un cri mais rien ne sortit de ma bouche recouverte d'un ruban adhésif. J'essayais de m'enfuir mais mes mains et mes jambes étaient liés. A chaque mouvement la douleur de ma jambe se réveillait de plus en plus, perçant ma chair de son supplice à chaque tentative infructueuse de fuite que je pouvais essayer.
Tout ceci devait être un rêve ! Tout ceci... Un cadeau rouge, plus grand que le vert, s'approcha en lévitant un peu au dessus du sol avant de venir se poser à ses côtés.
Le cadeau vert se mit alors à parler, d'une voix d'enfant grinçante ressemblant plus au crissement d'une craie contre un tableau noir qu'à un véritable son humaine.
"Papa ! Papa ! Je peux ouvrir mes humains maintenant ?"
La voix me glaça le sang. Ce qu'il avait dit aussi.
Le cadeau rouge se tourna alors légèrement vers ce qui semblait donc être son fils et lui répondit d'une voix grave, caverneuse, remplie de crevasses et de fosses sans fond.
"Je ne sais pas... Tu ne veux pas manger avant de les ouvrir ?...
- Tu as sans doute raison... Mais c'est juste que je suis hyper impatient... "
Les larmes me montaient aux yeux alors que je prenais conscience que tout était fini à présent et que tout espoir venait de s'envoler. Je n'avais plus aucun endroit où aller. Je n'avais plus aucun marché de Noël en vu, plus aucun plan.
"J'ai trop envie de savoir ce qu'ils contiennent !"
Écrire commentaire